Le sort incertain du Jardin Notman jette un doute sur la capacité de la Ville de Montréal d’honorer sa mémoire et de protéger son patrimoine naturel.
« C’est une question de legs », insiste le naturaliste Roger Latour qui estime que la Ville de Montréal devrait se saisir de l’occasion historique que représenterait l’acquisition de ce terrain par la ville qui célèbre actuellement son 375e anniversaire.
Une question d’argent?
La responsable du Patrimoine au comité exécutif de la Ville de Montréal, Manon Gauthier reconnaît que « le jardin est situé dans un secteur de valeur patrimoniale exceptionnelle », mais refuse toutefois de s’avancer sur un éventuel scénario d’acquisition par la Ville, évoquant une responsabilité de « saine gestion des deniers publics » de la part de l’administration montréalaise.
« La Ville a les moyens », martèle de son côté le président du Mouvement citoyen pour la préservation du Jardin Notman, Tony Antalky. Les coûts d’acquisition du Jardin Notman, qui s’est vendu au montant de 2 millions de dollars en 2014, auraient en effet facilement été absorbés dans le budget de plus d’un milliard de dollars consenti aux célébrations du 375e.
Plus de 800 millions de dollars de ce budget étaient d’ailleurs destinés à financer des legs sous forme de projets d’infrastructures, comme la réfection de la rue Prince-Arthur Ouest, réalisée au coût de 4 millions de dollars.
Un potentiel d’infrastructure verte
Or, le Jardin Notman représente un potentiel d’infrastructure verte d’une valeur inestimable, estime Roger Latour. « Ça a une valeur écologique, historique et paysagère incomparable », souligne le naturaliste. Selon lui, les cinq érables argentés, les trois chicots féviers et le grand If d’Europe, constituent une « masse verte » unique qui doit être protégée et mise en valeur. « On a un noyau mature pour l’amorce d’une trame verte », observe Roger Latour qui souligne que « la maturité des arbres » et « la qualité de la canopée » sont incomparables.
Le Plan d’action canopée (PAC), adopté 2012, prévoit d’ailleurs « maximiser les efforts de conservation de la canopée existante puisque c’est l’option la plus élémentaire et la moins couteuse » et insiste sur l’importance de minimiser « la perte de canopée due à l’abattage d’arbres publics et privés dans les milieux habités ». En ce sens, la préservation du boisé de 1000 mètres carrés du Jardin Notman contribuerait directement à l’atteinte des objectifs du PAC qui vise l’augmentation de 5 % du couvert arboricole à Montréal d’ici 2025.
À la bonne volonté du promoteur?
« Seule une étroite collaboration entre les parties pourra assurer la sauvegarde du Jardin Notman », avance la responsable du patrimoine, Manon Gauthier, qui dit « espérer que les promoteurs seront sensibles au plaidoyer des citoyens ».
Tony Antakly, qui dit avoir constaté une ouverture de la part du promoteur lors de discussions informelles au cours des dernières semaines, se montre confiant.
Il rappelle qu’une première vague de mobilisation avait permis d’empêcher, au début des années 2000, la construction d’un hôtel sur le site. Le mouvement citoyen a également réussi à freiner deux projets de condos au fils des ans. En 2004, l’administration d’Hélène Fotopoulos avait par exemple octroyé un permis de construction pour le projet de condos, à condition de préserver les arbres matures du jardin. La garantie de 100 000 $ exigée par l’arrondissement à l’époque aurait découragé le promoteur d’aller de l’avant avec les travaux, se souvient le militant.
Pamplemousse.ca a questionné l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal à savoir s’il envisage imposer des conditions similaires aujourd’hui ou s’il envisage changer le zonage en imposant une réserve foncière sur le terrain, mais nos demandes n’avaient pas obtenu de réponse au moment de publier.
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