Entre les simples pierres tombales
décorées de fleurs en gerbes
et les caveaux pompeux des notables du pays
s’étendent les racines de nobles essences
chênes, érables, peupliers,
bouleaux, caryers, frênes, pins
plantés là au cœur de l’entre-mont
de l’outre-mont où le ruisseau Springgrove s’abreuve
La flore de ce jardin-cimetière
habille la montagne comme un roi
et la jeune ville s’y repose prête à naître
tels les amours éclos d’un printemps
Sa faune déjà à pied d’œuvre se repeuple
dans une pure absence de pudeur animale
mais partout déjà le paysage s’humanise
façonné par l’urbanité qui impose ses formes
terasse et met à nu les courbes que je caresse du regard
canalise les eaux libres de surface en conduites sous-terraines
Balisées au cadastre des terrains à lotir
les friches sont abattues comme le bétail des pâturages
et la pruche passe de la drave à la charpente
s’échine dans les squelettes des maisons ouvrières
tandis que l’acier usiné nourrit les entrailles des grattes-ciel
où l’on brasse les affaires d’un monde machinal
Dans des terrains cachés derrière les clôtures
on s’imagine une cité-jardin quand les crocus émergent
et le lilas bourgeonne prêt à embaumer
les ruelles qu’arpente à cheval le guenilloux