Papillon

Pour Mel

toi la sœur que je n’ai jamais eue
ma belle
chante et ris et danse
dans tes plus beaux habits d’éternel
envole-toi légère
papillon
battant l’aile du vent

plus d’avant ni d’après
pour toi plus de temps
tu es avec nous
ancrée dans nos cœurs
n’aie pas peur de partir à ton heure paisible

cible ton au-delà
l’horizon élancé
la fine ligne
qui sépare nos vies de ta mort
l’amour fort nous unit
dans ce deuil festival collectif

if only you can feel how we carry your joy
don’t be coy
let us know how you found death
may your last breath have been your best

reste en puissance
ne regrette rien ni personne
sonnent les cloches des lendemains qui viennent
nos vies portant la tienne en leur sein

les dessins que tu as esquissés
sont les nôtres à poursuivre
pour survivre à notre amitié
lui faire honneur

les mémoires ressuscitent nos bonheurs partagés

convoque la faucheuse d’avance
la vie d’après sans Paradis t’accueille
nulle part
ailleurs qu’ici

amis dans nos souvenirs
nos sentiments à vif
l’esquif peut traverser à volonté le styx

aucune croix ne marquera d’un x le lieu de ton repos

pose ton fardeau
il ne te retient plus désormais

s’il te plaît
ne te retourne pas
va vers ta lumière

le sel de la mer épousera celui de mes larmes

rend les armes sachant que tes combats inachevés
seront portés sans relâche par nous qui lutterons
nous qui n’oublions pas notre camarade partie tôt
ni les moments passés côte à côte sur le front

frondeuse
tu nous devances sur la ligne
poing levé
tu nous ouvres la voie
ta voix résonne dans les sillons des terres tatouées

fière
retourne au fleuve
laisse la marée de glace te prendre
disperser tes cendres doucement

Mel, ma soeur de cœur, était une femme-papillon. Atteinte de la maladie de Huntigton, elle a reçu l’aide médicale à mourir en novembre 2023.

Ce texte, écrit le jour de sa mort, fait partie de mon projet de recueil de poésie, Odyssée ordinaire qui retrace mon périple intérieur pendant un séjour aux Îles-de-la-Madeleine l’automne dernier. Je le publie ici comme cadeau d’anniversaire posthume. Bonne fête, Mel!