On fête fort au mois de janvier
mais en campagne comme à la ville
l’Québec a pas tellement changé
d’puis la révolution tranquille
Le PQ et les libéraux
ou la CAQ au gouvernement
sous-financent les programmes sociaux
plus ça change plus c’est comme avant
En février fait frette dehors
alors tout le monde s’enferme en d’dans
On se complait bien dans notre confort
et on crie « vivement le printemps! »
D’un coup d’démarreur à distance
on part le chauffage dans l’auto
question d’brûler un peu d’essence
bye-bye protocole de Kyoto
Quand en mars les Américains
emprisonnent à Guantanamo
leurs ennemis comme des chiens
dans des cages comme des animaux
On s’indigne tous à l’unisson
du sort qui leur est infligé
mais les migrants dans nos prisons
se font déporter par milliers
La vie sous le signe d’la fleur de lys
c’est pas pire mais c’est mieux que rien
Et le roi des cons de service
y’est pas forcément Ontarien
On a oublié qu’en avril
Québec r’ssemblait à une prison
clôture autour de la haute-ville
pour pas qu’on gêne leur réunion
Pendant qu’ils discutaient au sommet
de leurs plans d’privatisation
les flics étaient là comme jamais
pour nous servir leur répression
Au premier mai les syndicats
loins d’la révolution sociale
font une manif qui tombe à plat
au centre-ville de Montréal
Syndicats, patrons et État
en concertation permanente
c’est ça le modèle québécois
la paix sociale on s’en contente
En juin à la St-Jean-Baptiste
fête nationale des Québécois
nostalgie des nationalistes
tonnes de drapeaux et feux de joie
Parle-moi d’un projet de société
laïcité Ave Maria
un pays sur des terres volées
ça change pas trop du Canada
La vie sous le signe d’la fleur de lys
c’est pas ce qu’y a de plus réjouissant
Et le roi des cons de service
me dites pas qu’c’est un immigrant
Semaines d’la construction en juillet
pour les vacances on se tire de là
La Gaspésie c’pas su’ le trajet
on va faire un tour aux États
ou acheter une maison aux îles
qu’on occupera deux ou trois mois
La crise du logement c’pas facile
mais on va pas s’priver pour ça
Fin août c’est la rentrée scolaire
arrivent les jeunes surendettés
qui passent le quart de leur salaire
dans leurs frais de scolarité
On dit qu’avec leurs prêts et bourses
y’a pas de raison pour qu’iels décrochent
mais après le loyer et les courses
il reste plus grand-chose dans leurs poches
Lorsqu’en septembre on assassine*
dans les territoires occupés
le peuple de la Palestine
y’a pas grand-monde pour dénoncer
ce génocide médiatisé
dans tous les quotidiens du monde
Et c’est en toute impunité
qu’Israël mène sa guerre immonde
La vie sous le signe d’la fleur de lys
à bien regarder ça r’ssemble à ça
et le roi des coins de service
j’vais vous dire c’est un Québécois
Au mois d’octobre on commémore
la « découverte » des Amériques
Les grands colons on les honore
on raconte leurs combats épiques
Les autochtones leurs résistances
de Ristigouche jusqu’à Oka
l’histoire les passerait sous silence
comme Joyce, comme les pensionnats
Novembre l’année tire à sa fin
et on a pas vu le temps passer
à force de courir soir et matin
pis d’se vautrer devant la tv
À r’garder Star Académie
des mauvais films hollywoodiens
Nos éternelles téléséries
voilà notre culture au quotidien
En décembre pour le temps des fêtes
on envahit les centres d’achat
pour y faire toutes nos emplettes
mettre les cadeaux sur la Visa
Les commerces font la passe de cash
et puis tout l’monde dépense à mort
Tant pis pour ceux qui en arrachent
y’ ont rien qu’à travailler plus fort
La vie sous le signe d’la fleur de lys
‘y a des jours ça me donne la nausée
Si le roi des cons changeait de service
‘y en aurait neuf millions pour remplacer
*Ce texte est ouvertement et très directement inspiré de la pièce Hexagone de Renaud (tirée de son premier album Amoureux de Paname en 1975) que j’ai adaptée pour le Québec en 2006 (adaptation qui n’a malheureusement, mais sans surprise, nécessité que quelques changements mineurs quand je l’ai sortie des boules à mites en 2023-2024). Ce vers est le seul que j’ai repris mot pour mot du texte original, mais le poème dans son ensemble se voulait la plus fidèle possible aux thèmes et au ton de la pièce d’origine.