Des données divulguées par la Régie du logement du Québec permettent de chiffrer l’ampleur du phénomène des reprises et des évictions dans l’arrondissement.
Le Comité logement du Plateau Mont-Royal (CLPMR) s’inquiète depuis des années de ce processus de « gentrification transparente », explique Gabrielle Renaud, organisatrice communautaire au CLPMR.
Des centaines de dossiers
Obtenues par le biais d’une demande d’accès à l’information, ces données indiquent qu’entre 2009 et 2016, 407 demandes de reprise et 143 demandes d’éviction ont été portées devant la Régie. Il s’agit respectivement de 6 % et 14 % de l’ensemble des dossiers de reprise ou d’éviction traités par la Régie du logement pour l’ensemble du Québec durant cette période.
Or, ces quelque 500 dossiers ne représentent que la pointe de l’iceberg, insiste Gabrielle Renaud.
« Il y a beaucoup de locataires qui se font évincer par harcèlement, intimidation », explique-t-elle. Comme beaucoup de locataires acceptent de quitter volontairement, moyennant ou non dédommagement, un grand nombre de cas sont ainsi invisibles dans les statistiques de la Régie.
Reste qu’en 2015-2016, près de 20 % de l’ensemble cas d’éviction contestés devant la Régie du logement pour concernaient des logements situés sur le Plateau Mont-Royal, selon les données obtenues par le CLPMR.
Ce ratio est révélateur, compte tenu du fait que les 56 000 logements du Plateau représentent à peine 5 % de l’ensemble des 1 250 000 logements privés que compte le parc immobilier du Québec, selon une étude réalisée en 2002 par l’INRS-Urbanisation, Culture et Société.
Une tendance lourde
Les conversions en copropriété, les remises à neuf de logements ou les locations touristiques de type Airbnb sont autant de façons d’attirer des ménages aisés et d’augmenter la rentabilité des investissements immobiliers sur le Plateau.
« C’est une grande tendance », observe Gabrielle Renaud qui souligne que, dans un contexte de rareté des terrains disponibles pour de nouveaux ensembles résidentiels, les reprises et les évictions sont devenues un moyen couramment utilisé par les promoteurs et les spéculateurs immobiliers pour déloger la population locataire à revenu modeste dans les quartiers prisés du Plateau.
L’accès à l’information sur le logement : un travail de longue haleine
Initialement refusée par la Régie, la demande d’accès à l’information du CLPMR a finalement été accordée suite à une médiation devant la Commission d’accès à l’information. « Ça a quand même pris du temps », note Gabrielle Renaud qui explique avoir obtenu les données en janvier 2017, soit 9 mois après avoir soumis la demande.
La Régie a par ailleurs refusé de fournir les données sur les demandes d’autorisations pour des conversions en copropriété, sous prétexte qu’elle ne pouvait pas « raisonnablement » donner suite à la demande du CLPMR. Dans le cadre d’une demande antérieur, la Régie avait pourtant déjà divulgué des données sur les dossier de conversion en copropriété. Selon ces données que Pamplemousse.ca a pu consulter, 10 % des quelque 830 demandes de conversion en copropriété traitées par le Régie pour les années 2006 à 2010 sur l’ensemble de territoire québécois concernaient des immeubles situés sur le Plateau.
Deux autres demandes d’accès à l’information présentées à l’arrondissement du Plateau Mont-Royal, concernant les permis de transformation accordés et la surveillance de l’insalubrité des logements, ont par ailleurs été refusées par le secrétaire d’arrondissement, Me Claude Groux.
« Ça me surprend », indique le conseiller d’arrondissement du Mile-End Richard Ryan qui promet de faire un suivi sur ce dossier auprès des services de l’arrondissement. Invité à commenter sur les données obtenues par le comité logement, l’élu affirme ne pas être surpris. Il rappelle que plus de 6000 logements locatifs ont été transformés en copropriété sur le Plateau en dix ans, et ce malgré le moratoire instauré au début des années 2000 sur les conversions en copropriété divise.