Sur les sentiers qui serpentent
entre les sommets je marche
à la suite d’enfants Dieux
comme les messagers de jadis
à Tio’tia:ke Otsira’kéhne
autour d’un feu cathartique
là où le groupe afflue puis se sépare
je fais corps avec notre histoire
Je redécouvre ma ville
comme un Eden
où l’Érythrone en fleur
s’incline sous le ciel de mai
et se hâte à déployer
ses anthères pourpres
parmi les trilles blanches
comme la sclère de tes yeux
De ces hauteurs enfin
j’accède à l’horizon de mon île
à la vue sans entrave
des terres et des eaux alentour
et je jouis éhonté
dans le vert tendre
du feuillage naissant
de ce regard d’oiseau rapace
portant au-dessus des cimes
sur la plaine laurentienne
que notre civilisation dévore
d’un appétit prédateur insatiable
Lovées dans un écrin
secret de nature virginale
les herbacées d’ici
se marient aux plantes exotiques
les scilles de Sibérie
poussent comme le cerfeuil sauvage
alors qu’on dompte le rosier indigène
sur le piémont à l’entrée des manoirs
où fleurissent les magnolias
De retour chez moi
je feuillette mon herbier
lisant la vie dans les limbes
des feuilles mortes
retraçant les récits
dont les mémoires se passent
de saison en saison
de siècles en millénaires
tandis que j’effeuille
mes années d’homme
mon dernier printemps
de jeunesse qui coule torrent
mes jours qui descendent
rivière vers l’aval de l’âge
jusqu’à la mer où se jette
le fleuve de mes effusions
Entends-tu résonner
au cœur du Golfe lointain
ces mélodies que me susurre
à l’oreille la nature enchanteresse
louange gorge déployée
la beauté divine qui s’offre à nous