La cofondatrice et directrice générale du Refuge des Jeunes de Montréal, France Labelle, s’est vu décorer de l’Ordre du Canada le mois dernier. Entrevue.
Mise en nomination pour « son dévouement à la défense des droits des plus démunis ainsi qu’à la lutte contre la pauvreté et l’itinérance » en janvier dernier par l’ancien gouverneur général du Canada, David Johnston, France Labelle s’est vu remettre sa décoration le 17 novembre lors d’une cérémonie organisée à Rideau Hall par la gouverneure générale Julie Payette.
Une haute (et rare) distinction pour du travail au bas de l’échelle
La résidente du Plateau, qui assume la présidence du Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM) à titre de directrice du Refuge des Jeunes, souligne qu’il est « rarissime qu’on mette la lumière sur ce type de travail là, auprès des personnes qui plutôt sont en situation de pauvreté et d’exclusion ».
En effet, sur la centaine de personnes nominées au sein de l’Ordre du Canada cette année, elle est la seule à être associée à la défense de droit dans le domaine de l’itinérance. Et sur les quelque 6000 personnes qui ont été nommées à l’Ordre du Canada depuis 50 ans, une poignée l’a été pour son dévouement à la justice sociale, comme la militante de Milton-Parc Lucia Kowaluk, nommée en 2013.
« Ça rejaillit un peu sur le milieu », se réjouit toutefois France Labelle qui compte bien profiter de sa nomination, survenue peu de temps avant le désormais classique Show du Refuge, pour remettre à l’ordre du jour les discussions sur la précarité croissante des personnes en situation de vulnérabilité.
Des besoins criants
Celle qui travaille depuis une trentaine d’années à défendre les droits des jeunes en situation de précarité et d’itinérance à Montréal constate que le visage de l’itinérance s’est passablement transformé dans le dernier quart de siècle. On voit aujourd’hui davantage de personnes âgées, de femmes, de jeunes et de personnes issues de l’immigration ou des nations autochtones, observe France Labelle. Elle ajoute qu’aux personnes sans abris, vivant entre la rue et les refuges, s’additionne un nombre croissant, quoique difficilement chiffrable, de personnes sans domicile fixe qui vivent pour ainsi dire au seuil de la rue.
Et si de nombreux services ont vu le jour depuis 30 ans pour répondre à ces besoins croissants et diversifiés, notamment sur le Plateau où l’on trouve par exemple les Dîners Saint-Louis et le Resto Plateau, ce n’est pas là un signe que les problèmes sociaux contribuant à l’itinérance sont en voie de se résorber, bien au contraire. « Globalement, la situation s’est aggravée », analyse France Labelle qui souligne qu’il ne s’agit plus des problèmes localisés au centre-ville, mais que l’itinérance, sous différentes formes, s’est maintenant répandue dans les quartiers centraux et même au-delà.
Dans le Plateau Mont-Royal, où elle réside, France Labelle constate qu’une itinérance est bien implantée. « L’accès au logement y est difficile », souligne la présidente du RAPSIM qui souligne que la pauvreté et l’isolement qu’on y observe sont des enjeux « en filigrane » de la précarité résidentielle qui est l’un des facteurs qui contribuent à l’itinérance.
De l’espoir pour l’avenir?
Si elle voit d’un bon œil l’arrivée au pouvoir de Valérie Plante, elle ne se fait pas d’illusions. « Il y a des engagements qui sont porteurs », se réjouit France Labelle qui salue notamment la volonté affichée par la nouvelle administration de mettre en place un nouveau plan d’action en matière d’itinérance pour faire suite à celui mis en place par l’administration Coderre dans la foulée de la création de la politique nationale de lutte contre l’itinérance en 2014.
Les promesses de Projet Montréal en matière de logement social et de lutte au profilage représentent également un rayon de soleil à l’horizon, mais il reste à voir quand et comment ces engagements sa traduiront en réalité.