Il n’y a pas que les locataires résidentiels qui souffrent des conséquences de l’embourgeoisement. Les commerçants indépendants du Plateau en font aussi les frais.
Le développement commercial est un enjeu sensible sur le Plateau. « C’est très émotif », confie Frank Hénot, un commerçant de l’avenue Mont-Royal, membre de la Société de développement de l’Avenue du Mont-Royal (SDAMR). « Il y a des gros bobos à soigner », ajoute le propriétaire de l’Intermarché Boyer, qui s’inquiète notamment du problème de l’abordabilité des locaux commerciaux.
« Il y a beaucoup de locaux vides », explique le commerçant qui reconnaît qu’à ce chapitre, Mont-Royal s’en sort mieux que Saint-Denis ou Saint-Laurent. Il est difficile d’établir avec précision le taux d’inoccupation des locaux commerciaux sur le Plateau en raison de problèmes méthodologiques, tel que le relevait La Presse en début d’année.
Le commissaire au développement économique de l’arrondissement, Martin Belzile, tente d’ailleurs de résoudre ce problème en procédant à un recensement des commerces ayant pignon sur rue le long des 14 artères commerciales du Plateau. « On a quand même une diversité insoupçonnée », note le commissaire qui souligne que l’inventaire dénombre plus de 2 300 commerces allant des services, au commerce de détail en passant par le divertissement.
Selon les données produites par l’équipe de Martin Belzile, le taux d’inoccupation sur l’avenue Mont-Royal se situe aux alentours de 4 %, soit le taux le plus bas à Montréal après la promenade Masson. À titre de comparaison, le taux d’inoccupation moyen sur les artères commerciales se situe à 9,8 %.
Le commissaire espère avec ce recensement dégager des pistes d’analyse et d’action pour mieux soutenir le développement économique dans l’arrondissement.
Si la situation morose des grandes artères comme Saint-Denis et Saint-Laurent n’est pas un phénomène restreint au Plateau, l’arrondissement est en proie à une importante vague de spéculation foncière. Quand elle n’entraîne pas des hausses de loyer accélérées, la hausse de valeurs foncières qui en résulte pousse certains propriétaires à laisser leurs locaux inoccupés dans l’espoir de pouvoir les louer plus cher dans quelques années ou encore d’encaisser des gains en capitaux importants lors d’une éventuelle revente.
« Les prix sont corrélés avec la proximité du centre-ville », explique Martin Belzile qui constate « une forme de gentrification commerciale » sur les artères commerciales du Plateau. En effet, la taxe d’affaires, établie à 4 % de la valeur foncière, fait en sorte que les coûts pour les exploitants explosent, ce qui exerce une pression importante sur les commerces indépendants.
Le commissaire au développement économique note que les outils règlementaires existants à l’échelle locale ne permettent pas de réguler le marché immobilier pour lutter contre la gentrification commerciale et considère que la spéculation immobilière résidentielle représente une menace au développement commercial.
Il espère par ailleurs que la négociation entre la Ville de Montréal et le ministère des Affaires municipales permettra de renforcer les leviers de développement commercial.
À l’heure actuelle, les investissements en infrastructures représentent « la seule façon de faire du développement économique actif », déplore Martin Belzile. Si le programme de soutien aux sociétés de développement commercial a fait ses preuves, il ne s’attaque cependant pas aux causes du problème qui relève avant tout de phénomènes macro-économiques comme le ralentissement économique observé depuis la crise financière de 2008, les changements dans les habitudes de consommation et les mutations du marché du commerce de détail.
« On ne peut pas continuer à dire qu’il y a une crise et ne rien faire », lance Frank Hénot qui insiste sur l’importance de préserver les commerces de proximité et les services qui rendent le Plateau attrayant.