À quelques heures de la première de la pièce Fredy, l’auteure Annabel Soutar maintient que l’œuvre a droit de cité, malgré les critiques.
La dramaturge se dit « bouleversée » et « déçue » du concert de critiques s’opposant au remontage de la pièce qui revient sur le drame qui a coûté la vie à Fredy Villanueva le 8 août 2008, tombé sous les balles de l’agent Jean-Loup Lapointe dans le parc Henri-Bourassa à Montréal-Nord.
D’autant plus que certains reproches lui viennent de la part d’acteurs qui avaient participé à la première mouture de l’œuvre, encensée par la critique l’an dernier.
Un appel à la censure?
« Il y a beaucoup de gens qui parlent du show sans l’avoir vu », déplore Annabel Soutar. Elle s’étonne que le comité de soutien à la famille Villanueva et la mère de Fredy Villanueva aient retiré leur consentement à la mise en scène de la tragédie qui a coûté la vie au jeune homme de 18 ans et de l’enquête publique qui s’en est suivie, après avoir collaboré étroitement au projet.
Si elle dit respecter « totalement la souffrance d’une mère qui a perdu un fils », l’auteure maintient que la pièce sert, à sa façon, les intérêts de la famille et du comité de soutien, et refuse de se plier à ce qu’elle perçoit comme une tentative de « censure ».
Une œuvre documentaire n’est pas un pamphlet politique
Elle se dit toujours ouverte au dialogue en vue d’apporter des modifications au texte, mais ne souhaite pas transformer l’œuvre en « pamphlet ». Si elle refuse à faire de la pièce un objet politique, elle fait valoir qu’il y a une place en marge de l’œuvre pour l’action militante.
Solo Fugère s’est d’ailleurs « servi de la pièce et de la production » pour faire lancer une pétition demandant la création d’une murale à l’effigie de Fredy Villanueva, souligne Annabel Soutar pour qui cette action souligne comment le dialogue ouvert dans la pièce se prolonge au-delà de la représentation.
Selon elle, les acteurs qui se sont dissociés de la pièce, comme l’a fait récemment Solo Fugère, ont de la difficulté à « réconcilier » leurs convictions militantes avec l’approche de théâtre documentaire qui met en lumière une diversité de perspectives, incluant celle de l’agent qui a fait feu sur Fredy Villanueva.
Lien de confiance rompu
Le militant Alexandre Popovic estime qu’il s’agit là d’un faux débat. Selon lui, « le problème est assez simple, c’est l’attitude d’Annabel Soutar ». À ses yeux, celle-ci a manqué de transparence et de franchise dans le processus de création de la pièce et a failli à tenir ses engagements auprès de la famille Villanueva notamment en ne les avisant pas de l’avancement du projet.
« La porte était ouverte au dialogue », insiste celui qui a fait entrer l’auteure dans la demeure de la famille Villanueva. « Il y a un lien de confiance qui a été brisé », explique-t-il en affirmant notamment avoir appris que la pièce prendrait l’affiche par le biais des médias.
Les efforts déployés par la production pour réparer les pots cassés ont été trop peu trop tard, soupire Alexandre Popovic qui digère mal le fait qu’Annabel Soutar « essaie de se poser en victime » dans cette histoire en se drapant dans sa liberté artistique pour imposer le remontage de la pièce qui tourne le fer dans la plaie de la famille, et d’une partie de la communauté, qui estime n’avoir jamais eu justice dans cette affaire.
Reste à voir quel sera la réception de la pièce qui prend l’affiche lundi (18 décembre) pour une semaine à La Licorne avant d’être présentée au printemps prochain dans le réseau des maisons de la culture, dont à la Maison culturelle et communautaire de Montréal-Nord.