Claude Jutra : la boîte de Pandore de la toponymie

La mémoire du cinéaste Claude Jutra, qui a vécu une bonne partie de sa vie sur le Plateau, est à jamais entachée.

Des allégations de pédophilie, révélées dans une biographie signée par le critique et professeur de cinéma Yves Lever, ont semé la consternation dans l’opinion publique alors que les sujets de la pédophilie, de l’exploitation sexuelle des mineurs et du consentement sont au cœur de l’actualité québécoise et canadienne.
Toponymie : une boîte de Pandore
La brutale tombée en disgrâce de Claude Jutra, 30 ans après sa mort, n’est pas sans rappeler que de nombreuses personnalités publiques célébrées de l’histoire du Québec ont un passé trouble, notamment eu égard à la colonisation canadienne.
C’est le cas par exemple d’Hector-Louis Langevin, l’un des architectes du système des pensionnats autochtones, qui a notamment donné son nom à un parc à Trois-Rivières en 2013 et à un pont à Calgary.
Un nom rayé de l’espace public
Corroborées par un témoignage troublant dans La Presse du 17 février, les allégations à l’égard de Claude Jutra ont mené le milieu du cinéma et les autorités publiques à rayer son nom de l’espace public.
Ainsi, le parc Claude Jutra, situé sur la rue Clark, sera rebaptisé et la statue à la mémoire du cinéaste sera retirée.
Le cinéma Excentris, fermé au public depuis la fin de l’an dernier, renommera également l’une de ses deux salles qui porte le nom du réalisateur de Mon oncle Antoine, un film qui est considéré comme l’un des plus grands films canadiens de tous les temps.
Chute d’un grand cinéaste
Réalisé en 1970, Mon oncle Antoine a été désigné en 1984 comme le meilleur film de toute l’histoire du cinéma canadien. Dans notre série sur la toponymie des parcs du Plateau, nous avions ébauché une biographie du cinéaste.
Né en 1930, Claude Jutra avait étudié la médecine avant de devenir comédien puis réalisateur. Entré à l’Office national du film en 1954 à l’âge de 24 ans, il a notamment travaillé avec le cinéaste de renommée internationale Norman McLaren. C’est en 1999, 33 ans après la mort de Claude Jutra, que Québec Cinéma a lancé les prix à son nom décernés lors d’un gala éponyme.
Pendant de longues années, alors qu’il vivait aux abords du square Saint-Louis, Claude Jutra a côtoyé de grands noms de la culture québécoise, comme le producteur de cinéma André Frappier, le pianiste André Gagnon ainsi que le célèbre couple formé de Pauline Julien et Gérald Godin. Claude Jutra a mis fin à ses jours en se jetant du pont Jacques-Cartier car il se savait atteint de la maladie d’Alzheimer.