Gentrification : dure vie pour les locataires

En cette journée nationale des déménagements, l’équipe de Pamplemousse.ca revient sur quelques données tirées du récent Portrait de la gentrification sur le Plateau Mont-Royal.

Réalisé par le Comité logement du Plateau-Mont-Royal (CLPMR), ce document s’appuie principalement sur les données des recensements de Statistiques Canada et sur celles de la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL) pour dresser un portrait du « processus de gentrification ayant cours dans le quartier » enclenché depuis plusieurs décennies, mais qui s’est accéléré dans les dernières années. Le rapport se penche sur ce phénomène qui « profite à une infime minorité, aux dépens d’une grande majorité ».

Les locataires, qui comptent encore pour plus de 70 % de la population de l’arrondissement du Plateau Mont-Royal, sont en effet les premiers à faire les frais de la gentrification. D’ailleurs, le taux de locataires a diminué de 5 % entre les deux derniers recensements, passant de 78 % en 2006 à 73 % en 2011.

Les conversions de logements en condos et le faible nombre de mises en chantier d’immeubles à logements locatifs expliquent en partie cette diminution. Environ 25 % du parc immobilier locatif du Plateau aurait en effet été converti en condos, soit 14 000 logements, dont plus de 10 000 auraient été convertis dans les dix dernières années. Sur près de 3 000 unités neuves construites entre 2003 et 2013 sur le territoire de l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal, plus de 2 500 unités de condos ou de maisons unifamiliales ont été mises en chantier, ce qui représente plus de 85 % de toutes les constructions neuves.

La hausse fulgurante des loyers est également pour quelque chose dans la dégradation de la situation des locataires.

Ainsi, les loyers moyens des logements de deux chambres sur le Plateau sont passés de 639 $ à 919 $ en 10 ans, soit une hausse de 43 %. Cette augmentation est nettement plus importante que la hausse d’environ 35 % des valeurs foncières enregistrée aux rôles dans la dernière décennie et près de deux fois supérieure à l’augmentation des loyers moyens à Montréal qui s’élevait à 25 % sur la même période.

Sachant que, sur le Plateau, le revenu médian des ménages locataires s’établit à 33 087 $, soit deux fois moins que le revenu médian des ménages propriétaires, qui est de 72 470 $, et que 27 % des ménages du Plateau gagnent moins de 20 000 $, de telles hausses ont des effets directs sur le taux d’effort des ménages. Ainsi, 44 % des ménages locataires consacrent plus de 30 % de leurs revenus au loyer et 27 % des ménages locataires y passent plus de 50 % de leurs revenus. Le phénomène affecte même les propriétaires dont le quart dépassent le taux d’effort de 30 %.

L’augmentation record des valeurs foncière est « le résultat de la spéculation immobilière, signe incontestable du phénomène de gentrification », souligne-t-on dans le document.

La logique spéculative qui prévaut limite grandement les possibilités pour la construction de logements locatifs abordables et rend peu intéressante l’inclusion de logements sociaux dans les projets privés. Elle pousse également de nombreux propriétaires à évincer les ménages locataires pour convertir leurs logements en condos ou simplement pour contourner les mécanismes de régulation des loyers de la Régie du logement. Entre 2000 à 2010, la Régie a ainsi traité plus de 1 500 demandes de reprise de logement et d’éviction sur le Plateau.

Le CLPMR note que « ce nombre n’est que la pointe de l’iceberg », car de nombreux témoignages font état de propriétaires qui « obtiennent le départ de leurs locataires en passant par d’autres moyens que la reprise ou l’éviction, tels que le harcèlement, les offres monétaires, ou le refus d’encaisser les loyers ».

La conclusion du CLPMR est sans appel : « L’ampleur du phénomène de la conversion des logements en condos, la quantité de cas de reprise et d’éviction qui passent devant la Régie du logement, et la progression du nombre de propriétaires par rapport au nombre de locataires, nous indiquent que ces derniers sont en train d’êtres chassés du quartier afin de faire place à des personnes plus riches, qui ont les moyens de se payer le luxe de l’accession à la propriété dans un quartier qui a la cote. »