Transports durables : « le statu quo, c'est la mort »

La responsable des transports actifs à la Ville de Montréal Marianne Giguère réagit au bilan des déplacements domicile-travail, où l’auto règne en maître.

En entrevue avec Pamplemousse.ca, la conseillère de Ville du district De Lorimier revient sur les récentes observations publiées dans le bulletin de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) qui constate que l’automobile demeure le principal mode de transport utilisé dans les déplacements domicile-travail dans la grande région de Montréal.
Le Plateau résiste à l’envahisseur automobile?
« Depuis les 15 dernières années, la proportion de navetteurs utilisant principalement l’automobile en tant que conducteurs pour se rendre au travail est demeurée relativement stable. En nombre absolu, toutefois, le nombre d’autos a augmenté de 142 000, faisant ainsi augmenter la pression sur les réseaux routiers de la région et favorisant l’augmentation des gaz à effet de serre (GES) », observe-t-on dans le bulletin produit par l’observatoire du Grand Montréal de la CMM.
S’inscrivant en faux avec cette tendance, le Plateau a vu la part modale de l’automobile diminuer dans les dernières années, pour s’établir sous la barre de 25 % des déplacements domicile-travail en 2016. Le conseiller en recherche à la CMM, Philippe Rivet, note d’ailleurs que le Plateau présente « la plus faible part modale pour l’automobile » à Montréal.
Entre 2011 et 2016, la part modale des transports actifs dans les déplacements domicile-travail a progressé (+2,9 %) de manière inversement proportionnelle à celle de l’automobile (-2,1 %) sur le Plateau. « Il y a différents facteurs » qui permettent d’expliquer ce phénomène, analyse Philippe Rivet qui évoque la densité croissante du territoire, la démographie de l’arrondissement ou encore le changement d’habitudes et d’attitude vis-à-vis du vélo urbain.
Apaisement de la circulation
Si Marianne Giguère convient que « plusieurs facteurs » entrent en cause dans cette tendance, elle estime que l’aménagement urbain et le design des rues y sont probablement pour quelque chose.
« On a fait de grands changements, mais aussi des tout petits », indique la conseillère qui évoque les innombrables interventions de réaménagement des rues et des intersections et la fermeture de certaines voies de circulation mises en œuvre sur le Plateau depuis 2009 dans le cadre d’une politique systématique d’apaisement de la circulation.
Le psychodrame Camillien-Houde
Ces politiques font souvent l’objet de vives controverses, comme en témoigne la levée de boucliers suscitée par l’annonce du projet-pilote d’interdiction de la circulation de transit sur la voie Camillien-Houde.
Malgré le fait que cette décision donne suite à des recommandations formulées, il y a dix ans, par l’Office de consultation publique de Montréal, une pétition réclamant l’abandon du projet a récolté près de 20 000 signatures. (Une contre-pétition en faveur du projet a pour sa part récolté un peu moins de 5000 signatures.)
Intenable statu quo
« Ces décisions doivent être prises » en dépit des protestations qu’elles suscitent, insiste Marianne Giguère qui rappelle que l’arrondissement a procédé dans les dernières années à la fermeture de voies de transit dans le parc Lahaie et dans le parc Baldwin, ainsi qu’à la fermeture du stationnement dans le parc Laurier.
« Aujourd’hui, il n’y a personne qui retournerait en arrière », assure la conseillère.
Bien qu’elles aillent généralement dans le sens des orientations du Plan métropolitain d’aménagement et de développement, les politiques de l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal en matière d’apaisement de la circulation ou de restriction de stationnement sont régulièrement taxées d’anti-automobile.
Dans les faits, chacune des décisions découlant de ces politiques « vient bouleverser des habitudes » et remettre en question « des acquis » pour les automobilistes, reconnait Marianne Giguère.
« Le paradigme est en train de changer », observe la responsable des transports actifs au comité exécutif qui rappelle qu’il faudra beaucoup d’incitatifs, et de dissuasifs, pour renverser durablement la tendance à la domination de l’automobile dans le cocktail de transports à Montréal. Vu les résistances au changement, la transition passera forcément par l’usage de la « carotte », notamment en augmentant l’offre de transports collectifs, et du « bâton », notamment en restreignant l’usage de l’automobile comme mode de transit en milieu urbain, explique la conseillère.
« Le statu quo, c’est la mort », lâche-t-elle en évoquant les bouleversements climatiques globaux et en insistant sur l’importance de consacrer dès maintenant un maximum d’espace et de ressources aux modes de mobilité durable que sont les transports actifs et collectifs.

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